Le 4 octobre 1877, 21 rue de Nervaux à Troyes, Henry Gillet, employé des Chemins de fer d'Orléans à Chalons, 35 ans et Thérèse née Lacombe, sans profession, 38 ans voient naitre leur petit garçon prénommé René, Eugène.
Acte de naissance de René Gillet. Courtoisie Didier Mahistre
Dès 1895, alors qu'il travaillait en atelier, il fit son premier moteur à essence qu'il essaya dans une cour à Malakoff, contrôlant les résultats au moyen d'une lampe électrique à arc. Un second moteur avec quelques perfectionnements devait suivre, mais il fallait envisager des pièces de fonderie pour lesquelles des modèles en bois étaient indispensables, et le père, modeste employé des chemins de fer, ne pouvait participer à la dépense. Le premier moteur fut vendu au prix du bronze et René Gillet façonne lui même les modèles en bois, mais les fonderies ne voulait pas fondre pour un ou deux jeux de pièces. Enfin, un brave fondeur, nommé Laurent, surpris de la manière pratique avec laquelle ces modèles avaient été conçus, accepta d'en fondre deux jeux, René Gillet pratiqua l'usinage au moyen d'un tour au pied, employé dans l'horlogerie, tour trop petit, et l'alésage du cylindre dut être effectué en deux positions.
Deux petits moteur furent montés pour lesquels René Gillet fit des carburateurs de type " à léchage".
A ce moment, les rares véhicules à moteur, objet de la curiosité, faisaient surtout la joie des cyclistes qui les dépassaient aisément, et l'on peut dire qu'à cette époque, tout véhicule à moteur ne revenait à son point d'attache, qu'après avoir causé à son conducteur les ennuis les plus imprévus, heureux encore quand on n'avait pas eu recours au remorquage. Donc chaque sortie était un rude travail, non pas une promenade.
Après quelques essais dans les rues de Malakoff, René Gillet tenta d'atteindre Versailles. Cela se faisait le soir, la journée de travail terminée. Sans se rebouter malgrès les pannes l'obligeant à revenir en pleine nuit à la pédale, il mit sa machine suffisament au point. En 1897, se basant sur les résultats des précédents, deux autres machines furent montées, mais avec carburateur à volets et à pointeau imaginé par René Gillet. Nouveau essais à Malakoff - Versailles et, profitant en 1898 d'une semaine de vacances, le trajet Malakoff - Epernay fut effectué aller et retour sans trop d'histoire. Somme toute, la machine à peu près commerciale était réalisé.
Une moto fut exposée en 1902 au salon de l'automobile, elle comportait des aménagements tels que manœuvre par les poignées du guidon, cadre surbaissé incurvé à l'arrière. Ce modèle marquait l'abandon du caractère bicyclette transformée, et les Anglais et les Américains s'en inspirant donnèrent à leur motos cette silhouette et leurs Revues Sportives habilement aiguillées sur les association sportives française, embarrassaient leur choix les quelques amateur venus au motocyclisme.
La lutte commerciale commençait en France. Les fabricants d'accessoires, persuadés que la motocyclette était une utopie, n'aidèrent en rien René Gillet qui, pour tenir en échec la concurrence anglaise, dut acheter certains éléments en Angleterre.
La suite ici : Histoire de l'entreprise René Gillet
À ce jour, avec les documents en notre possession, nous ne pouvons confirmer à quelle date René Gillet a fabriqué sa première motocyclette, ni comment il la baptisa.
En effet le mot "motocyclette" fut inventé et déposé comme marque de fabrique par les parisiens Michel et Eugène Werner le 8 avril 1898 pour désigner des bicyclettes et des motocycles automobiles, et leurs accessoires. Victime de son succès, la marque Motocyclette devint une antonomase, les frères Werner furent simplement déchus de leur marque Motocyclette qui était devenue la dénomination usuelle et conformément au code de la propriété industrielle (aujourd'hui art. L714-6), elle fut lexicalisée en 1903 en un nom commun féminin.
Aucune trace de sa création en 1895, ni du voyage qu'il aurait fait avec celle-ci en 1898 de Malakoff à Epernay. Etonnant qu'à cette époque où peu de véhicules à moteur circulaient, il n'y ait pas eu d'articles dans la presse. Nous ne pouvons donc pas confirmer ce que René Gillet évoquait dans toutes ses publicités: qu'elle soit "la doyenne des marques françaises".
Nous apprend que le 18 juin 1898, le troyen René Gillet est convoqué à la commission du service militaire, il demeure alors avec son père Henri et sa mère Thérèse née Lacombe au 3, rue Bellanger à Malakoff. Notez qu'il est ce 18 juin ajusteur-électricien, il a donc produit à la commission les diplômes qui l'atteste.
Le 3 rue rue Bellanger aujourd'hui si cette rue n'a pas subit de renumérotation depuis 1897.Un petit immeuble classique de 2 étage avec échoppe, de nos jours une boulangerie-pâtisserie.
Pendant très longtemps je n’ai pu trouver de légende qui me satisfasse de cette photo des archives familiales de Maxim Edrei, petit-fils du docteur Louis Tanon associé de René Gillet, collée sur un calendrier de 1902 qu’il m’avait confiée en 2002.
Peu importe ce que certain y voit depuis, moi depuis 2002, je reconnait devant la maison Chaffal & Gillet, en bleu de travail, René Gillet penché derrière sa création et M. Bengen, le mécanicien-modeleur, le docteur Louis Tanon et, Louis Chaffal à droite.
Le tricycle qui n'est pas un de Dion-bouton, est celui du docteur Louis Tanon venu découvrir chez Chaffal & Gillet cette première motocyclette de 1cv 1/2 afin d'envisager la possibilité d'investir et de prendre un risque financier.
Tout ce que je pouvais affirmer en l’état, c’est que René Gillet sans Chaffal était présent au salon automobile et du cycle d'octobre 1903 et non comme il l'affirmait lui-même en 1902, date de cette publicité . Il y présente deux modèles, un premier de 1cv 1/2 et un autre de 2 cv 1/2. comme nous allons le voir ci-dessous.
Si cette photo se trouve collée sur le calendrier de l'année 1902, elle ne peut être de 1902, le docteur Tanon n'aurait pas sacrifié son calendrier de l'année, cette photo est soit antérieure, soit postérieure à l'année 1902 ! Mais alors immédiatement antérieure ou postérieure sinon ledit calendrier serait de 1900, 1901 ou 1903, 1906, 1930, etc. CQFD
Jusqu'à ce jour, j'en étais resté là, je supputais que cette motocyclette était la première vraie René Gillet type A mais sans conviction. Mais à force de chercher, on trouve et en ce 22 juin 2022, je découvrais la réponse dans les archives. Je découvrais ça :
Nous sommes au 17 quai de grenelle à Paris, en bord de Seine, un immeuble cossu de 4 étage, on reconnait l'imposte de la porte.
Et l'entête du papier nous apprend que la maison Chaffal et Gillet est successeuse de L. Chaffal, créée par Louis, Antoine, Marie Chaffal, fabricant de matériels photographiques, serrureries et électrique, s'était tournée récemment vers la mécanique et les travaux à façon, au 7, quai de Grenelle à Paris comme le confirme la plaque apposée sur le mur de notre photo supra. Chaffal & Gillet était plus spécialisé en travaux à façon en mécaniques, cycles et réparations comme l'affirme maintenant nos associés sur la porte de leur adresse de cette même photo
Les personnages autours de cette Chaffal et Gillet ne peuvent être que ceux évoqués supra. Quant à la motocyclette, c'est la Chaffal et Gillet type A : Fiche des mines ici
La motocyclette Chaffal et Gillet type A fut contrôlée et essayée le 27 mai 1903 et l’ingénieur qui l’essaya nota que le frein arrière - les 2 donc - était très énergique. Elle fut restituée homologuées à son constructeur le 1er juin suivant avec les deux autres machines présentées et en attentes au service des Appareils à Vapeur du département de la Seine.
La commercialisation de ces modèles n'a peut être pas rencontré le succès escompté. M. Chaffal n'est plus associé. René Gillet et Louis Tanon, né le 17 septembre 1876 docteur en médecine demeurant au 2 rue Daton à Paris, s'associent en 1906 pour créer la société René Gillet et cie. Le siège social se trouve à Paris au 10 Villa Collet rue Didot.
Acte de naissance de Louis Tanon. Courtoisie Didier Mahistre
Louis Tanon accorde alors une grande confiance à son associé et lui apporte la coquette somme de 150 000 F en espèces, soit 100 fois le salaire annuel d'un mécanicien qui est alors de 1500 à 1800 F, alors que René Gillet n'a pu réunir que 8 000F. Louis Tanon n'est que commanditaire et laisse la gérance de leur association, la direction de l'entreprise et la signature sociale à René Gillet et lui permet en outre de prendre toutes les décisions. Cette indéfectible confiance en René Gillet ne le quittera pas dans cette aventure humaine et industrielle puisqu'il restera son commanditaire et associé jusqu'au 6 mars 1944, date où il se retira des affaires.
La société est déposée le 01 septembre 1906, en commandite simple.
Le 19 octobre 1906, René Gillet dépose sa marque éponyme qui fut enregistrée sous le n° 92235.